L’art de savoir l’ouvrir ou la fermer !
Dans les organisations, en 2025
Bonjour à tous. Débattre ! ne paraîtra plus chaque semaine. Jusqu’à la fin de 2025, vous recevrez désormais une seule infolettre par mois, mais plus dense, beaucoup plus longue, plus argumentée. Un texte à lire… ou à écouter.
Pour en profiter pleinement, je vous conseille de téléchargez l’application Substack sur votre téléphone : elle permet de lire, mais aussi d’écouter les infolettres durant vos trajets, en faisant du sport ou la cuisine, grâce à la version audio intégrée. Vous étiez nombreux à me demander plus de podcasts, d’une certaine manière je réponds à votre demande. Bonne lecture. Bonne écoute.
La parole, dans les organisations, est malade.
J’ajoute, toujours et partout. On pourra me reprocher un diagnostic excessif ; je crois pourtant qu’il est simplement lucide, froid, et désormais bien documenté.
La parole en entreprise est soit trop rare, soit trop abondante, soit mal orientée.
Tantôt, tout le monde se tait, paralysé par la peur ou la lassitude ; tantôt, tout le monde parle trop, au point que plus personne n’écoute. Bref, nous vivons entre le blabla inutile et la mouche qui vole. Et comme cette dernière nous effraie, n’oublions jamais que le silence est une terreur contemporaine, et que nous savons l’inutilité du bavardage, alors tout le monde fait semblant d’être d’accord.
Cette maladie de la parole a un coût : décisions fragiles, perte d’énergie, démotivation des équipes, fuite des talents. Car la parole demeure le premier outil du travail collectif : c’est par elle que l’on se coordonne, que l’on innove, que l’on résout les problèmes. Quand elle dysfonctionne, c’est tout le corps de l’organisation qui se désarticule.
Un tabou contemporain : la dispute
Curieusement, notre époque parle beaucoup de communication, elle encourage le dialogue, l’échange, la transparence, mais elle redoute, comme la peste, la dispute.
Le management moderne rêve d’équipes soudées, d’harmonie, de réunions apaisées, de relations fluides, d’une mécanique sans heurts.
Mais il oublie qu’une équipe qui ne se dispute jamais est une équipe fragile.
Car dans toute organisation, le conflit est inévitable. Les désaccords surgissent sans cesse : sur les stratégies, les priorités, les valeurs, le comment ou le qui fait quoi. Le management contemporain cherche à les éviter, faute de savoir les traverser, soit par manque de courage ou de culture du débat, ou simplement faute de discernement lorsqu’il s’agit de décider quand parler, et quand se taire.
En termes savants, on pourrait dire qu’il manque à nos organisations une culture disputative.
En termes plus directs : nous ne savons plus ni quand, ni comment, l’ouvrir ou la fermer.
Et pourtant, en 2025, cette question est plus urgente que jamais. Parce que nos modes de communication se sont démultipliés avec les visios, les messageries internes, les emojis, l’IA qui rédige à notre place ; parce que les frontières entre vie personnelle et professionnelle se brouillent ; parce que les tensions sociales et politiques traversent les organisations.
La parole est partout, fragmentée, accélérée, médiatisée et pourtant sa valeur diminue.
Cette infolettre est une tentative pour éclairer ce paysage, en nommer les dérives et les ressources, et y ouvrir des perspectives. À la fin de cette lecture ou de cette écoute, j’espère que vous aurez gagné trois choses :
Une énergie nouvelle, car comprendre pourquoi la parole s’étouffe ou s’enfle libère du cynisme ;
Une intelligence collective accrue, car savoir créer des espaces de dispute féconds rend les équipes plus robustes ;
Une confiance retrouvée, la vôtre et celle de vos collaborateurs, pour que la parole libre redevienne un outil de construction plutôt qu’un risque permanent.
Les maladies de la parole en entreprise.
Insistons bien, la parole est le premier outil collectif de l’entreprise. C’est par elle qu’on décide, qu’on innove, qu’on s’organise. Pourtant, quatre dérives majeures s’observent partout : le silence collectif, le bruit, le consensus mou, les microagressions.
Première maladie : quand tout le monde se tait.
Dans bien des réunions, le silence est assourdissant. Un dirigeant présente un projet, personne ne l’interrompt, les diapositives défilent, les hochements de tête s’alignent. L’impression d’unanimité rassure… mais masque une absence totale de débat.
Dans ces organisations, le silence devient une norme. Les juniors apprennent vite qu’il vaut mieux se taire que de risquer de froisser ; les managers intermédiaires taisent leurs doutes pour ne pas paraître négatifs ; on évite les sujets qui fâchent, alors qu’ils mériteraient d’être profondément discutés, voire disputés : produit raté, management toxique, stratégie absurde.
Peu à peu s’installe une culture du non-dit, coûteuse à tous points de vue :
Décisions fragiles, faute de contradictions ;
Engagement faible, car personne ne s’approprie vraiment les choix ;
Climat de méfiance, nourri par les conversations de couloir ;
Départ des talents les plus lucides, lassés de ne pouvoir simplement être entendus.
La dynamique du mutisme collectif s’installe parce que chacun se tait… puisque les autres se taisent déjà. On suppose que s’il n’y a pas de parole, c’est qu’il n’y a rien à dire. Briser ce cercle vicieux supposerait une première voix qui ose l’ouvrir, une direction qui l’accueille, un rituel qui légitime et protège la contradiction.
Deuxième maladie : quand tout le monde parle trop.
À l’autre extrême, il y a les organisations bavardes. Ici, tout devient prétexte à réunion, à mail en copie, à message sur Slack ou Teams. On brainstorme, on commente, on réagit par emoji ; la parole circule partout, mais elle se vide de sens.
La réunion est devenue un mode de vie, et le bruit un mode de gestion. On se veut agile, collaboratif, horizontal ; alors on multiplie les tours de table, les ateliers participatifs, les chaînes de mails. Tout le monde donne son avis, sur tout, tout le temps. On confond participation et efficacité.
Cette inflation verbale épuise les équipes : plus on parle, moins on décide ; plus les mots s’accumulent, plus ils se dévalorisent.
Ce brouhaha permanent génère ses propres coûts :
Fatigue cognitive, liée aux interruptions incessantes ;
Décisions retardées ou diluées, faute de trancher ;
Dévaluation de la parole : on n’écoute plus rien, ou plus personne.
Ce qui a l’apparence d’une organisation vivante n’est souvent qu’une organisation qui évite de choisir. On y parle, non parce que le silence fait peur, mais parce que le bavardage sert de brouillard pour éviter les confrontations sérieuses.
Troisième maladie : le consensus mou.
Le consensus mou séduit, car il offre un confort immédiat : pas de heurts, pas de disputes, une impression d’unité. C’est la ouate qu’on préfère. Mais cette harmonie factice dissimule surtout la lâcheté. On se met rapidement d’accord, sans véritable débat. Chacun pressent que la décision est bancale, mais nul ne veut troubler la paix apparente. Alors on signe, on valide, et on passe vite à autre chose.
Les coûts de cette illusion sont élevés :
Décisions médiocres, car les objections n’ont pas été formulées ;
Engagement faible : si j’ai dit oui du bout des lèvres, je ne me battrai pas pour l’exécuter ;
Dilution des responsabilités : si tout le monde approuve, personne n’est responsable.
La faiblesse ne vient pas du consensus en soi, mais de sa mollesse. Un vrai consensus, dur et robuste, naît de la confrontation : il engage parce qu’il a résisté à la contradiction.
Quatrième maladie : les climats délétères où prospèrent les microagressions.
Certaines organisations ne sont ni silencieuses ni bavardes : elles sont malades autrement, rongées de l’intérieur par les microagressions, ces petites piques répétées jour après jour (une blague sexiste, une remarque ironique, une interruption systématique, un soupir appuyé). Chaque geste paraît anodin mais leur accumulation installe un climat délétère où les victimes se taisent pour ne pas passer pour susceptibles, où les témoins détournent le regard, où les managers redoutent de faire des histoires.
Les coûts sont immenses :
La confiance s’effrite : chacun se méfie de l’espace collectif ;
L’efficacité s’émousse : l’énergie se gaspille à encaisser plutôt qu’à créer ;
Les talents s’éloignent : les meilleurs partent.
Une organisation qui tait les microagressions, et ne sait pas l’ouvrir contre les agresseurs, s’érode lentement jusqu’à la mort symbolique.
Ces quatre dérives ont un point commun : la peur du conflit.
Le silence l’évite, le bruit l’étouffe, le consensus mou le contourne, les microagressions le remplacent par des coups bas. L’entreprise contemporaine, obsédée par l’harmonie, se rêve comme un lieu d’épanouissement : elle oublie que l’harmonie ne se décrète pas et qu’elle ne résulte pas de l’absence de désaccords, mais de leur traversée.
Après les pathologies, vient l’autre versant : celui des ressources.
Les vertus du silence.
Garder le silence est, dans bien des organisations, perçu comme une faiblesse : absence d’opinion, manque d’implication ou de courage. Pourtant, le silence peut être un choix tout à fait stratégique. Tout dépend s’il est subi ou décidé. Subi, il devient fuite, complicité ou rancune muette. Décidé, il donne du poids à la parole qui suivra, protège une relation, ouvre un espace pour l’autre.
La fermer pour mieux voir et mieux entendre.
Le premier bénéfice du silence est qu’il favorise l’observation. Celui qui ne parle pas tout de suite en réunion voit qui s’agite, qui approuve, qui se crispe, qui impose. Il capte les signaux faibles que les bavards ignorent.
Le silence se regarde.
Il y a bien des années, dans le cadre d’un travail universitaire en sciences de l’éducation, j’ai mené des recherches sur le silence, sa perception et son histoire. Elles m’ont conduit à un passage de L’Enfer de Dante qui perdu et apeuré dans la forêt obscure, rencontre Virgile : Mentre ch’i’ ruviniva in basso loco, dinanzi a li occhi mi si fu offerto chi per lungo silenzio parea fioco.
Les traducteurs rendent ce lungo silenzio de diverses façons. Chez Jacqueline Risset : « une figure s’offrit à mes regards, qu’un long silence avait tout affaiblis ». Chez Lucienne Portier : « devant mes yeux quelqu’un me fut offert, qui par un long silence semblait enroué ». Chez Henri Longnon : « devant mes yeux vint à s’offrir quelqu’un qui semblait enroué après un long silence ». Tous gardent ce long silence littéral.
Mais en 1785, Rivarol propose une variation audacieuse : « Tandis que je roulais dans ces profondeurs, un personnage que la nuit des temps couvrait de son ombre se présenta devant moi. » Le lungo silenzio devient l’ombre de la nuit des temps. Le silence cesse d’être seulement auditif, il devient visible, tangible. J’aime cette intuition : le silence ne s’écoute pas, il se regarde.
C’est pourquoi je vous invite, quand vous écoutez quelqu’un, à le regarder moins par politesse, que par attention : observez les signes, les gestes, les hésitations, la confiance ou la gêne. Et si vous êtes en réunion, observez moins celui qui parle que ceux qui l’écoutent : vous y lirez les alliances, les désaccords, les lassitudes, les impatiences.
La fermer pour laisser émerger l’autre.
Se taire peut aussi être un message. Un manager qui sait se taire, et écouter vraiment, montre à ses collaborateurs : « Votre parole compte, je n’ai pas besoin de la recouvrir. » Ce silence nourrit la confiance. Trop de leaders monopolisent la parole, croyant que parler prouve leur autorité ; en réalité, ils asphyxient leur équipe. Se taire, pour un dirigeant, c’est déléguer : c’est monter « je vous laisse de la place ».
Mais ce silence-là doit être habité. Il ne s’agit pas de se retirer dans un mutisme hautain, mais de manifester une écoute active, signifiée par un regard, une prise de note, un hochement de tête. Sinon, le silence devient indifférence. Dans une réunion, votre silence est vu bien plus qu’il n’est entendu.
La fermer par prudence.
Baltasar Gracián, jésuite espagnol du XVIIᵉ siècle, contemporain de Cervantès, demeure l’un des maîtres de cette sagesse. Redécouvert par Schopenhauer et Nietzsche, il reste d’une modernité saisissante dans nos sociétés saturées de discours. Son Homme de cour (1647) rassemble trois cents maximes pour survivre dans un monde d’intrigues qui n’est pas si éloigné du nôtre. Sa formule, « le silence est le sanctuaire de la prudence », résume tout : savoir attendre, observer, parler au moment opportun.
Gracián conseille d’éviter la transparence absolue : révéler son dessein, c’est s’exposer. Notre époque de sur-communication ferait bien de s’en souvenir. Se taire, pour lui, n’est pas fuir, mais choisir, calculer, différer pour préserver la force du mot. Le silence, chez les jésuites, est une discipline, il forme le jugement, affine le discernement, protège la décision. Il n’est pas une absence, mais une préparation.
Observer, écouter, laisser de la place, protéger une relation fragile : se taire peut donc être une forme de courage et de maîtrise. Ce n’est pas une désertion, mais une présence.
Les vertus de la parole courageuse.
Il arrive toujours un moment, dans la vie d’une organisation, où se taire devient plus maladroit et dangereux que de parler. Ce moment se devine à un frémissement particulier de l’air dans l’open space, à des regards qui se dérobent à la machine à café, à un malaise que chacun perçoit sans l’avouer. La loyauté véritable, celle qui ne consiste pas à obéir mais à préserver le collectif de ses propres aveuglements, commande alors de prendre la parole : parler, non pour dominer, mais pour délivrer une équipe de l’hypocrisie, une direction de son confort, une institution de son inertie.
Dans toute entreprise existent des vérités quasi muettes qui circulent à voix basse, se glissent dans les couloirs, se murmurent sur le parking. « Ce projet est absurde », « cette stratégie nous mène droit au mur », « ce manager épuise ses équipes ». Chacun sait, personne ne dit.
Les phrases interdites agissent comme un poison lent, plus on les tait, plus elles enveniment l’atmosphère. Jusqu’au jour où quelqu’un, souvent sans préméditation, ose les prononcer. Je me souviens d’une jeune ingénieure qui, lors d’un comité stratégique, leva les yeux et dit calmement : « On ne tiendra pas ces délais. » Rien d’agressif, pas d’emphase, une phrase nue, la vérité, dite sans colère mais avec justesse et qui déplace les lignes : la pièce respire autrement, les regards se lèvent, l’énergie change. La parole courageuse a cette puissance qui fracture le mensonge collectif et remet l’air en circulation.
Le consensus mou, dans bien des organisations, joue un rôle anesthésiant. Il donne l’illusion de la paix, mais il tue la vitalité. On se met d’accord trop vite, par peur de heurter, pour paraître positif ou gagner du temps. Le désaccord devient une faute de goût, la contradiction une impolitesse. Ce calme apparent a pourtant un coût : décisions floues, engagements tièdes, créativité en berne. Dans ces organisations assoupies, on parle beaucoup pour ne rien dire, ou bien l’on se tait pour ne pas penser.
Briser cette mécanique suppose d’accepter l’inconfort du désaccord. Il faut réhabiliter celui qui dit non, pour éprouver la solidité du oui.
Dans les universités médiévales, l’exercice de la disputatio obligeait chacun à défendre la thèse contraire à la sienne, non pour vaincre, mais pour apprendre. Le contradicteur, l’avocat du diable, n’était pas un gêneur mais un garant de la justesse du débat. Il rappelait que la cohésion sans épreuve n’est qu’une mollesse collective. Une organisation mûre ne redoute pas ces voix minoritaires, elle les protège, car elles sont les sentinelles de sa lucidité. Supprimez-les, et l’intelligence collective se change en conformisme.
La parole courageuse ne sert pas qu’à contredire, elle sert aussi à protéger. Dans les environnements où prolifèrent les microagressions, se taire, c’est se rendre complice. Parler alors, ce n’est pas se venger, c’est restaurer le cadre.
Recadrer sans humilier est un art de l’équilibre où il s’agit moins de punir que de remettre le réel à sa place. Trois gestes suffisent souvent : nommer – « cette remarque est déplacée » ; interroger – « tu peux préciser ce que tu veux dire ? » ; rediriger – « restons sur le fond, s’il te plaît ».
Ce ne sont pas des formules techniques mais des gestes de civilité. Chaque fois qu’un témoin prend la parole pour poser une limite, il restaure la décence commune. Le silence des autres, celui des témoins qui laissent faire, devient alors la pire des lâchetés.
La parole courageuse expose, dérange, mais elle relie. Elle rétablit le lien entre parole et vérité, entre voix et responsabilité. Une organisation ne devient adulte que lorsqu’elle apprend à s’engueuler sans se détruire, à contredire sans saboter, à débattre sans se haïr. Voilà le cœur d’une culture disputative : parler non pour avoir raison, mais pour rendre l’ensemble plus solide.
Parler et/ou se taire en 2025.
Les entreprises d’aujourd’hui ne parlent plus dans le même espace qu’hier. La parole passe bien souvent par des écrans, des fils, des serveurs, des notifications. Elle se fragmente, s’accélère, se multiplie, se réduit parfois même à des pictogrammes.
En 2025, savoir l’ouvrir ou la fermer ne se joue plus seulement autour d’une table, mais dans la lumière bleutée d’un écran.
La visio confond les visages, la latence déforme les silences, les micros coupés effacent les nuances. Celui qui parle le plus vite ou le plus fort occupe l’espace ; les plus discrets s’effacent dans des cases noires. Ce n’est plus le silence qu’on redoute, c’est l’absence numérique : le carré vide, muet, que l’on prend pour une désertion.
Dans les messageries instantanées, la parole devient un flux continu de fragments : consignes, réactions, plaisanteries, soupirs. Les idées s’y perdent, les bons mots remplacent les bons arguments, les émotions se résument à des pouces levés.
Cette inflation de signes produit un paradoxe : plus la parole circule, moins elle a de poids. Nous vivons dans un monde où chacun parle et plus personne n’écoute. Les échanges sont rapides mais sans épaisseur ; les messages sont clairs mais vides. La parole, censée relier, finit par isoler.
Et voici qu’entre en scène un nouvel acteur : la machine. L’intelligence artificielle rédige nos mails, résume nos réunions, formule nos excuses. Elle écrit bien, sans faute, avec courtoisie, mais sans âme. Les textes générés par IA se ressemblent tous : parfaits, lisses, interchangeables. Ils donnent la sensation d’une politesse sans présence. À qui répondons-nous alors, face à un mail manifestement rédigé par une IA ? À l’interlocuteur, qui a appuyé sur le bouton envoyer ou à la machine qui a rédigé le texte ?
Le véritable défi n’est donc pas de parler plus ou moins, mais de retrouver le discernement : savoir quand, comment et pourquoi.
Le mot grec kairos désigne ce moment juste. Nous concernant, celui où choisir de parler ou bien de se taire, tombe à point nommé. C’est ce sens du timing que nous devons reconquérir.
Pour ne pas conclure tout à fait.
Apprendre à disputer sans se haïr, à contredire sans détruire, à écouter sans se soumettre : telle est la compétence la plus rare du siècle qui s’ouvre. Les collectifs qui y parviendront ne seront pas les plus bavards ni les plus lisses, mais les plus vivants. Ils auront compris qu’un désaccord n’est pas une menace, mais une preuve de vitalité ; qu’un silence n’est pas un vide, mais une promesse d’attention.
Peut-être est-ce là, au fond, la tâche du temps présent, réconcilier la parole et le silence, Et apprendre aussi bien à parler en public qu’à se taire en public.



