Le charisme est mort, vive l'éthos!
L'éthos, l’arme de la crédibilité.
Bonjour les escrimeurs oratoires !
L'infolettre du jour est la suite directe de la précédente intitulée « Le charisme n'existe pas ! » Si vous avez découvert Débattre récemment, je vous conseille d'en prendre d'abord connaissance afin de mieux pouvoir utiliser celle d'aujourd'hui.
La voici.
En garde, que la leçon commence.
L’éthos vous précède !
Ceux qui ne vous connaissent pas ont déjà une opinion sur vous !
Avant même de parler, votre auditoire, s'est déjà forgé une opinion à votre sujet. Ceux qui vous connaissent déjà ont forgé cette opinion sur des réalités concrètes, quand les autres convoquent, votre réputation, les on-dit ou les stéréotypes.
Votre âge, votre genre, votre rang hiérarchique, votre statut professionnel, votre apparence physique… Autant d’éléments qui influencent l’idée que l’on se fait de vous, avant même que vous ne soyez entrés dans la pièce et n’ayez prononcé le moindre mot. Votre prise de parole est colorée par : les traces numériques que vous avez laissées sur LinkedIn ou Instagram, vos emplois précédents, vos prises de parole précédentes, ce que la presse locale a dit de vous récemment, ce que vos collaborateurs disent de vous à l'extérieur de l'entreprise…
Ah, enfin une jeune femme à ce poste ! Pas assez expérimentée, la gamine… Il a suivi le même cursus universitaire que moi ! Je ne me laisserai jamais manager par quelqu'un qui ne sait pas assortir sa cravate à sa chemise ! Il paraît que ce n'est pas un orateur terrible ! Je dévore ces infolettres, chaque jeudi matin, ce mec est un génie !
Voilà le type de jugement qui vous précède. Inévitablement.
Cet éthos, que l'on pourrait qualifier de préalable, peut donc être un atout ou un handicap. Et l’erreur serait d’en ignorer l’existence. Mieux vaut en avoir pleinement conscience et décider d’en jouer, de le déconstruire ou de le confirmer, selon votre stratégie.
Avant même de prendre la parole, vous devez avoir une idée claire de l’image que vous renvoyez, des stéréotypes qui peuvent jouer en votre faveur ou contre vous. Et c’est précisément en intégrant ces données que vous pourrez déployer un éthos réfléchi, construit et adapté.
La première étape de la construction d'un éthos solide et favorable réside dans la lucidité que l'on a de l'image que l'on projette. Il est indispensable de savoir l'effet que l'on fait !
Votre éthos est à la merci du biais de confirmation.
Si vous avez la réputation d'être un orateur plutôt éloquent et que votre prise de parole du jour est plutôt catastrophique, alors on dira sans doute que vous n'étiez pas très en forme, et que la fatigue explique votre piètre performance rhétorique.
Si au contraire vous avez la réputation d'être un piètre orateur, il vous faudra être excellentissime durant plusieurs interventions à la suite pour que votre réputation se retourne.
Conseil vital pour tous les apprentis orateurs : on n’achète jamais la mansuétude de son auditoire.
Il faut proscrire à tout jamais des phrases du genre : "je ne suis pas très à l’aise à l’oral… J'espère que je ne serai pas trop ennuyeux… vous êtes nombreux, comme c'est impressionnant… je n'ai pas l'habitude de ce genre d'exercice… » Ces phrases sont bien plus que des red flags comme on dit maintenant bon français, ce sont des poisons mortels pour votre éthos.
En débutant ainsi, vous vous tirez une balle dans le pied, vous vous transpercez la main avec une dague et vous devenez borgne. Pas simple d'être un bon escrimeur oratoire dans cet état.
Vous devez simplement réaliser cette prise de parole, du mieux que vous puissiez faire, sans vous excuser ou quémander quoi que ce soit à votre public, l'opinion qu'il se fera de votre prestation orale lui appartient de toute manière.
L’éthos s’appuie sur la cohérence.
Ce que vous dites, ce que vous faites et ce que vous laissez transparaître doivent être alignés.
Pour être perçu comme crédible, vous devez faire preuve d’une cohérence constante entre vos paroles, vos actions et votre posture. Soyez constant. Assumez pleinement vos convictions. Si vous en changez, dites-le et expliquez clairement le chemin qui vous a amené à passer d'une conviction à une autre.
Soyez donc attentif à ce que votre éthos ne soit jamais contredit par vos actes. Une promesse non tenue, un comportement inconsistant, une contradiction flagrante entre votre discours et votre pratique peuvent détruire en quelques secondes ce que vous avez mis des mois, voire des années, à construire.
L’éthos est relationnel.
Vous l'avez bien compris, l’éthos ne se construit jamais seul. Il est le fruit d’une interaction dynamique entre l’orateur et son public. La crédibilité ne se décrète pas, elle se construit au fil des échanges, des rencontres, des discussions.
Spinoza expliquait qu'il n'y a ni bon ni mauvais, il y a simplement des choses adéquates ou inadéquates.
En escrime oratoire, c'est la même chose : il n'y a pas des prises de parole réussies ou ratées, mais des prises de parole adaptées ou inadaptées à l'auditoire.
Un orateur qui ignore les attentes de son auditoire, qui parle comme s’il se trouvait devant une salle remplie d’experts alors qu’il s’adresse à des novices, ou inversement, court à l’échec.
Comme le souligne Philippe Breton, « Le pouvoir de convaincre est indissociable de l’aptitude à se mettre à la place de l’autre. » (Convaincre sans manipuler, 2009)
il ne s'agit pas pour le bon orateur de briller ou de réaliser une performance, mais d’établir une relation de confiance avec le public qu'il écoute ici et maintenant.
Donc, parlez son langage, sans caricature. Citez ses références, comprenez ses enjeux. Écoutez vraiment avant de parler et montrez que vous l’avez fait.
L’éthos est renforcé par les témoignages et les alliances
Pendant longtemps, l'influence a consisté à dire haut et fort, je suis le meilleur, faites-moi confiance. Cela a totalement disparu du paysage contemporain, votre éthos est désormais porté par les autres, il ou elle est le meilleur faites-lui confiance.
Ce n’est pas vous qui dites que vous êtes légitime… ce sont les autres. Chaque prise de parole doit constituer pour vous à another brik in a wall, ce mur qui protège votre éthos, qui fait que le jour où vous ratez une prise de parole, une brique tombe du mur, mais le mur ne s'écroule pas tout entier.
Alors, ne reculez jamais devant la possibilité de prendre la parole en public, de débattre, de donner votre avis.
Car un jour quelqu'un dans votre public dira à son voisin un peu sceptique à l'idée d'être là : la belle-sœur de la voisine d'un ancien copain qui a été marié avec un collègue de travail de l'entraîneur de tennis de mon ex-belle-mère m'a dit que ce mec était très intéressant à écouter !
On peut modifier son éthos.
Je vous l’expliquais dans le premier podcast audio de Débattre! qui décryptait une scène culte de la série américaine The newsroom.
Pour l’écouter.
Leçon #1 The Newsroom (2012)
L'analyse rhétorique de la scène emblématique du début de la saison 1 de The Newsroom (HBO 2012) où le journaliste présentateur Will McAvoy déclare que « les États-Unis ne sont plus le plus grand pays du monde » est une vraie leçon autour de l’ethos, du pathos et du logos, tout comme de l’attaque et de l’esquive.
L’éthos se renforce par un vocabulaire renouvelé.
Si vous dites ce que tout le monde dit, avec les mots de tout le monde, vous ne serez pas entendu. Les mots usés sont comme des pièces de monnaie trop longtemps manipulées : leur relief s'est effacé, leur éclat s'est terni. Ils n'ont plus de valeur perçue.
Dans un environnement où les discours se multiplient à une vitesse vertigineuse, l’éthos se fragilise lorsqu’il s'appuie sur un vocabulaire éculé, générique, trop facilement identifiable. On ne peut plus capter l'attention avec des formules entendues mille fois.
Lorsque vous vous exprimez en public, votre épée et votre sabre sont votre art de la narration et la qualité de votre vocabulaire.
Je vous parlerai de narration dans une prochaine infolettre, aujourd'hui focalisons nous sur le vocabulaire, sur le lexique.
Pourquoi les formulations usées affaiblissent elles votre éthos ?
Les expressions galvaudées ont plusieurs effets délétères sur votre crédibilité :
Perte de singularité : En utilisant les mêmes clichés que tout le monde, vous vous confondez avec la masse. Or, l’éthos repose aussi sur la différenciation.
Sensation de superficialité : Des mots trop souvent employés donnent l'impression d'un manque de profondeur. Ils signalent un discours préfabriqué, standardisé, voire automatique.
Impression d’opportunisme : Certaines formules toutes faites peuvent révéler une tentative maladroite de plaire ou de correspondre à une norme convenue.
Prenons des exemples utilisés ad nauseam.
Penser out of the box. Mettre l’humain au cœur de l’entreprise. Répondre aux défis du XXIe siècle. Sortir de sa zone de confort. Cela nous ramène aux heures les plus sombres de notre histoire. Vous faites de la politique politicienne.
Il en va de même pour l'hyperbole, ainsi dans les émissions culinaires de type Top Chef : oser un mélange de saveurs audacieux devient une prise de risque incroyable, quel courage ! Dans ce cas, quel vocabulaire nous reste-t-il pour qualifier, un sapeur-pompier qui risque sa propre vie pour sauver celle de quelqu'un d'autre, par exemple ?
Comment renouveler son lexique pour renforcer son éthos ?
Quand vous préparez une prise de parole, tout seul ou en utilisant une IA générative (tellement friande de ce genre de formulations éculées qu’elle en devient presque un outil de travail : demander à Chat GPT ou Claude de vous rédiger un argumentaire sur n'importe quel sujet, et il vous livrera très précisément toutes les formulations qu'il ne faut plus du tout utiliser. Hyper pratique.)
Renouveler son vocabulaire ne signifie pas nécessairement utiliser des mots rares ou complexes. Il s’agit plutôt de trouver des formulations inédites, précises, imagées, capables de susciter l’attention et de rester en mémoire
. C’est un travail qui demande de sortir des expressions automatisées pour retrouver une parole vivante, personnelle et incisive.
Livrez-vous à l'exercice maintenant, pour vous autotester :
· Plutôt que de dire « sortir de sa zone de confort » …
· Plutôt que de dire « penser en dehors de la boîte » …
· Plutôt que de dire « mettre l’humain au cœur de l’entreprise » …
· Plutôt que de dire « répondre aux défis du XXIe siècle » …
Cela ne signifie pas que vous devez bannir tous les mots qui sont couramment utilisés, mais vous devez traquer systématiquement le cliché !
L’impact d’un vocabulaire renouvelé sur votre éthos.
Un discours qui se distingue par sa fraîcheur lexicale témoigne d’une réflexion active, créative, personnelle.
Lorsque vous adoptez un vocabulaire renouvelé :
Vous démontrez votre capacité à penser par vous-même.
Vous suscitez l’intérêt et l’attention de votre auditoire.
Vous faciliter la mémorisation de vos propos et de vos arguments dans l’esprit de votre public
Renouveler son vocabulaire, c’est revitaliser son éthos. C’est éviter de ressembler à un énième orateur en pilotage automatique pour offrir une parole qui semble neuve, précise, habitée.
La « carte d’éthos", un outil stratégique.
Lorsque j'accompagne des personnes, élus locaux, responsables associatifs, entrepreneurs, cadres d'entreprises, sportifs, qui cherchent à améliorer leur image, à renforcer leur éthos, j'utilise un outil stratégique que j'ai développé et qui consiste à construire pour la personne accompagnée sa carte d'éthos.
Le travail de construction de la carte et le résultat obtenu éclairent et renforcent votre positionnement, votre tonalité, votre signature oratoire. Résultat ? Des prises de parole plus percutantes, cohérentes les unes avec les autres, qui renforcent un éthos favorable déjà présent, ou permettent de le transformer ou de le construire.
Prêt à forger un éthos à la hauteur de vos ambitions ?
Contactez-moi et transformons votre présence en une force irrésistible.
escrime.oratoire@gmail.com





